ARTICLE SPECIAL: INVESTIR DANS L’OR GRIS DE L’AFRIQUE - AUTONOMISATION DES FEMMES ET DES JEUNES POUR UNE CHAÎNE DE VALEUR DU CAJOU RÉSILIENTE
INTRODUCTION ET CONTEXTE
L’Afrique occupe une place prépondérante dans l’industrie mondiale du cajou, puisqu’elle représente plus de 50 % de la production mondiale de cajou. Selon la Rencontre mondiale sur le marché de l’Alliance africaine du cajou (ACA), les prévisions de production en Afrique en 2024 sont d’environ 57 %. La Côte d’Ivoire, la Tanzanie, le Bénin, le Nigéria, le Ghana, le Kenya et le Mozambique apportent des contributions importantes. Ces pays ont tiré parti de cet « or gris », qui stimule la croissance économique, la création d’emplois et la réduction de la pauvreté.
Les noix de cajou brutes (NCB) sont devenues l’un des principaux produits agricoles d’exportation de l’Afrique vers divers marchés internationaux, notamment l’Europe, les États-Unis et l’Asie. L’Afrique de l’Ouest produit généralement environ 1,8 million de tonnes de cajou. À titre d’exemple, le Ghana, dont le volume de production nationale était d’environ 12 000 tonnes métriques en 2005 (MdAA ; GEPA), a atteint un volume de production d’environ 200 000 tonnes métriques en 2022 (GIZ/ComCashew) totalisant douze régions productrices de cajou sur ses seize régions.
Si l’on prend l’exemple du Ghana, l’âge moyen des producteurs ghanéens de cajou est de 54 ans, selon une enquête menée par la Direction des services des cultures du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (DCS/MdAA) en 2021, ce qui met en évidence le manque d’implication de la part des jeunes.
Les jeunes et les femmes de la filière du cajou sont toujours confrontés à des défis systémiques, notamment un accès limité aux ressources, un pouvoir de décision restreint et des possibilités de revenus moindres. Ces défis font qu’il est difficile pour les jeunes et les femmes de participer pleinement à la filière du cajou en Afrique de l’Ouest et d’en tirer profit. Pour relever ces défis, les gouvernements, les organisations de développement et le secteur privé devront déployer des efforts concertés afin de fournir le soutien et les ressources nécessaires pour permettre à ces groupes de réussir dans la filière. Il conviendrait de lancer des interventions ciblées visant à renforcer l’autonomie des femmes et des jeunes afin de promouvoir une chaîne de valeur du cajou plus résiliente et durable. Il est nécessaire d’élaborer des stratégies visant à atténuer l’impact du changement climatique sur la production de cajou en Afrique de l’Ouest ; d’améliorer les infrastructures telles que les routes, l’électricité et l’approvisionnement en eau pour soutenir l’industrie du cajou ; de promouvoir la consommation des produits du cajou en Afrique de l’Ouest et dans d’autres régions afin d’accroître la demande et de créer de nouveaux marchés et d’encourager la transformation locale de cajou pour ajouter de la valeur au produit et créer plus d’emplois dans la région ; et d’élaborer des programmes de renforcement des capacités qui mettent l’accent sur la dimension genre.
OPPORTUNITÉS POUR LES FEMMES ET LES JEUNES DANS LA CHAÎNE DE VALEUR DU CAJOU
Malgré les difficultés, la filière africaine du cajou s’oriente vers la valorisation et la transformation, en investissant dans des installations permettant d’exporter des amandes transformées plutôt que les noix de cajou brutes. Des pays tels que le Ghana et la Côte d’Ivoire ont pris des mesures visant à soutenir leur industrie du cajou. En Côte d’Ivoire, par exemple, le Gouvernement a interdit l’exportation de NCB sans valeur et a créé le Conseil du Coton et de l’Anacarde (CCA) pour contribuer au renforcement des capacités et à la promotion de la transformation de cajou au niveau local.
La filière africaine du cajou a le potentiel de stimuler le développement économique et de créer des opportunités d’emploi pour les femmes et les jeunes en raison de la part importante de main-d’œuvre qu’ils représentent dans les usines de transformation. Investir dans le développement de cette chaîne favorisera l’inclusion, fera progresser l’industrie, la diversifiera et attirera les jeunes et les femmes, contribuant ainsi à la croissance économique et aux efforts de réduction de la pauvreté.
Figure 1 : Femmes participant à une formation sur la pomme de cajou organisée par le ministère ghanéen de l’Agriculture et de l’Alimentation (MdAA) et la GIZ/MOVE dans la région de Bono, au Ghana.
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EXEMPLES D’OPPORTUNITÉS À EXPLORER
Les femmes et les jeunes en tant que prestataires de services : La chaîne de valeur du cajou offre de nombreuses opportunités d’emploi, en particulier pour les femmes et les jeunes, les femmes greffeurs affichant des taux de réussite plus élevés dans la reproduction de variétés de plants à haut rendement. Les recherches menées par le DCS/MdAA ont montré qu’une greffeuse greffe un minimum de 200 et un maximum d’environ 400 plants par jour avec une précision de 75 à 80 %. Les jeunes peuvent être formés à la production de cajou, à la lutte contre les nuisibles, à l’établissement de plantations, au greffage et aux pratiques agricoles, ce qui leur procure un emploi et un revenu tout au long de l’année. L’apiculture constitue une source potentielle de revenus pour les femmes et les jeunes dans la production de cajou. Les recherches montrent que les abeilles mellifères permettent de produire deux fois plus de cajou que sans elles, et que leur activité de pollinisation en améliore la qualité.
Ajout de valeur au niveau national : Les femmes et les jeunes occupent sept emplois sur 10 dans le la filière de la transformation de cajou et dominent la chaîne. Ces deux groupes dominent la chaîne de transformation, de la cuisson à la vapeur au décorticage, en passant par la torréfaction, le tri et l’emballage. Les exonérations fiscales et l’amélioration de l’accès au financement pourraient stimuler les revenus dans cette filière. La torréfaction et la transformation de cajou offrent aux femmes et aux jeunes des possibilités de capital de départ peu élevé, permettant de proposer divers produits tels que des jus, des confitures, des friandises et de l’éthanol, moyennant un soutien approprié.
Perfectionnement des compétences et services de conseil agroalimentaire : En Afrique, les jeunes sont de plus en plus impliqués dans l’agro-industrie, en fournissant des services de conseil, en perfectionnant les compétences et en recrutant du personnel qualifié pour la gestion des plantations et d’autres services liés à l’agriculture. Les jeunes ayant des compétences en agriculture ou en gestion d’entreprise peuvent perfectionner les compétences en matière de cajou, favorisant le développement de produits, la stratégie de marque et l’accès aux marchés mondiaux pour les produits régionaux à base de cajou.
RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DANS LA CHAÎNE DE VALEUR DU CAJOU - INTÉGRATION D’UNE APPROCHE TRANSFORMATRICE EN MATIÈRE DE GENRE
Le perfectionnement des capacités humaines est essentiel pour faire progresser la chaîne de valeur du cajou, dans la mesure où il permet aux individus de se prendre en charge en améliorant leurs compétences, leurs connaissances et leurs attitudes, ce qui se traduit en fin de compte par une plus grande efficacité, une plus grande innovation et une plus grande compétitivité. En intégrant des approches transformatrice en matière de genre, nous nous assurons que les femmes, les hommes et les jeunes en bénéficient équitablement, en s’attaquant aux inégalités systémiques profondément enracinées qui ont historiquement marginalisé les femmes. Cette stratégie inclusive permet non seulement de libérer tout le potentiel de la filière, mais aussi d’ouvrir la voie au développement durable, en favorisant la croissance à long terme et la résilience de l’industrie du cajou. En outre, il favorise une main-d’œuvre plus diversifiée et plus dynamique, ce qui permet à la filière de relever les défis d’un marché mondial.
Programmes de formation tenant compte de la dimension de genre
Figure 2 : Zones d’intervention de MOVE-ComCashew (États membres de l’OEACP)
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Des programmes de formation adaptés aux besoins spécifiques des femmes et des jeunes sont essentiels à leur autonomisation dans la filière du cajou. Les initiatives du projet GIZ/MOVE-ComCashew cofinancé par l’Union européenne (UE), l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) et le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) ont intégré des questions liées au genre telles que l’aide aux mères allaitantes pour qu’elles puissent participer aux formations grâce à la mise à disposition d’une nounou professionnelle, des dispositions spéciales pour les personnes ayant des besoins particuliers et la garantie qu’un pourcentage considérable (50 %) des participants de sexe féminin. Ces programmes de formation permettent aux participants d’acquérir des attitudes positives, des compétences techniques et des connaissances qui sont essentielles à l’autonomisation économique des femmes et des jeunes.
Promouvoir l’occupation de postes de direction par des femmes
Promouvoir le leadership des femmes dans la chaîne de valeur du cajou est une stratégie essentielle visant à favoriser une croissance inclusive et durable. Les recherches montrent que les femmes n’occupent que 20 % des postes de direction dans le secteur agricole, alors qu’elles représentent 43 % de la main-d’œuvre agricole (FAO, 2021). L’autonomisation des femmes par le biais d’initiatives ciblées leur permet de devenir des décideurs et des innovateurs clés au sein de la filière. Les données probantes laissent penser que le renforcement du leadership féminin peut conduire à des améliorations importantes de la productivité et de la rentabilité. Par exemple, une étude de McKinsey & Company a montré que les entreprises qui comptent plus de femmes à des postes de direction sont 21 % plus susceptibles de connaître une rentabilité supérieure à la moyenne. Soutenir les femmes à travers des programmes ciblés leur permet non seulement de devenir des décideurs clés, mais aussi de favoriser un environnement plus inclusif et plus innovant.
Accès au financement et aux ressources
L’accès au financement demeure un obstacle majeur pour les femmes et les jeunes dans la chaîne de valeur du cajou. Il conviendrait de mettre en place des initiatives qui fournissent aux femmes et aux jeunes les outils financiers dont ils ont besoin pour investir dans leurs entreprises. Des recherches ont montré que la réduction de l’écart entre les hommes et les femmes en matière d’accès aux ressources pourrait améliorer de manière significative la productivité agricole. Les Nations Unies indiquent que lorsque les femmes ont un accès égal aux ressources et aux opportunités, la productivité agricole peut augmenter de 30 %, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire et à la croissance économique. En veillant à ce que les femmes et les jeunes aient accès au crédit, aux subventions et à l’assistance technique, la performance globale de la filière sera améliorée.
CONCLUSION
Investir dans « l’or gris » de l’Afrique offre un immense potentiel pour améliorer les moyens de subsistance des femmes et des jeunes sur tout le continent. En adoptant une approche transformatrice en matière de genre et en relevant les défis spécifiques auxquels ces groupes sont confrontés, la chaîne de valeur du cajou peut continuer à être un moteur du développement durable et de la croissance économique.
Auteurs : Beate Weiskopf, Nunana Addo, Cynthia Al-Da Benon, Joseph Atakora, Janice Kanyire Annyaah et Valerie Toffey